Vous connaissez tous cette envie, vaguement gênante, de vous faire un film, si possible court et pas trop malin. Sorte de purge intellectuelle sans pour autant être un lavage de cerveau, Pawn est pour vous. Le boîtier est rectangulaire. Le film est carré. L’intrigue est suffisamment subtile pour vous emmener dans un train fantôme de fausses pistes et donc de combattre votre ennui pendant 80 minutes top chrono.
Pawn est le premier projet de la boîte de production Extravanganza Films de Michael Chiklis, dont se rappellent tous les fans désormais vieillissants de cette série parkinsonienne que fut The Shield. Quand j’ai proposé à mon paternel de s’initier aux séries télé « modernes », je lui ai proposé The Shield. Choix qui s’est avéré désastreux malgré ma précaution d’usage : « Papa, tu vas adorer : c’est une sorte de Navarro sous amphétamines. ». Mon père m’a, quelques jours après, répondu qu’il préférait Navarro aux amphétamines (son médecin était rassuré).
Unité de temps et de lieu, Pawn nous décrit le cambriolage d’un bar de nuit et son assaut par la police. On pense à Un Après-midi de Chien, en plus bête, ou à Assaut de Carpenter, en moins subtil. La relative innovation du métrage vient du fait que la même scène est vécue par chacun des protagonistes, nous décrivant petit à petit, tel un puzzle qui se met en place, qu’ils ont tous quelque chose à se reprocher.
Le premier à passer devant la caméra est un flic débonnaire, interprété par Forest Whitaker. J’adore Forest Whitaker, aussi doué dans les premiers rôles (Le Dernier Roi d’Ecosse, Ghost Dog) que dans les productions plus dispensables où sa trogne de Droopy inquiétant fait des merveilles (Repo Men, La Mutante). Il joue par ailleurs dans un autre série B (Angles d’Attaque en 2008) qui use du même procédé narratif que Pawn. On le retrouvera d’ici peu dans un rôle bien ronflant (et donc oscarisable) du majordome des derniers présidents des Etats-Unis (je baille déjà…).
A ses côtés, défilent d’autres gueules du cinéma de deuxième division. Il y a le tenancier du bar (Stephen Avatar Lang), le méchant mafioso (Ray Liotta bien sûr) et donc Michael Chiklis qui tente un accent anglais peu assuré. Pour faire bref, ce ne sont pas les quelques économies des égarés de la nuit que convoitent les méchants, mais une carte mémoire renfermant des vérités gênantes pour la police et ses indicateurs… Au milieu de cette galerie de trognes patibulaires, il y a toujours un beau gosse. Dans Pawn, c’est Sean Farris, connu par ailleurs pour … euh … pas grand-chose. Alors, gentil ou méchant le beau gosse ? Vous le saurez bien vite.
Si la mise en scène est passablement anonyme, elle n’en reste pas moins efficace, généreuse et orientée vers le spectateur. Elle est l’oeuvre d’un gars qu’on aurait aimé oublier, David A. Amstrong, car responsable de la photo sur les Saw, mais il s’acquitte de sa tâche avec professionnalisme. Le soin particulier apporté aux gunfights est agréable. J’ai ainsi eu la certitude de me prendre un coup de canon dans l’occiput gauche quand Chicklis décocha un tir, faisant vrombir mes enceintes 5.1 fraîchement achetées et minutieusement montées. On apprend aussi, grâce à Pawn, que se prendre une balle, ça fait mal. Les acteurs en font des caisses à coup de Fuck, shit, aïe… On reprochera la photographie (trop) glaçante de Keith Dunkerley (par ailleurs responsable de la photo de la deuxième équipe de Paranormal Activity 3, à moins que ce ne soit le contraire), usant et abusant de filtres bleutés.
Film de mecs (je vous fais grâce de la listes des personnages féminins, peu mis en évidence dans leurs rôles de potiches sanglotantes), Pawn est un film pour les mecs. Si votre compagne vous fait grâce de sa présence, elle en sera aussi réduite à jouer les potiches de canapé. Mais ne vous étonnez pas si, au téléphone avec Maman, elle se plaindra de vos goûts cinématographiques qui, depuis votre première invitation à aller voir Quatre Mariages et un Enterrement, ont bien changé.
DTV classique, Pawn n’est sorti en DVD et Blu-ray que chez nos amis anglophones. Pas de sous-titres français donc mais Pan Pan en anglais, ça fait Pan Pan dans toutes les langues. Et Fuck tout le monde comprend, non ? Par contre, aucun bonus à se mettre sous la dent… Dommage.