Atypique. Voilà comment on peut définir Under the Skin le dernier film de Jonathan Glazer. Atypique dans sa réalisation, dans sa narration, et dans sa façon de mettre en scène la magnifique Scarlett Johansson. Véritable expérience cinématographique, le film captive dans sa première partie. Et c’est bien dommage que le réalisateur ait fait le choix de revenir vers quelque chose de plus »conventionnel » dans la seconde partie de son histoire car le film devient ainsi très ennuyeux.
L’histoire de Under the Skin est très simple: une extraterrestre arrive sur terre pour séduire et faire disparaître les hommes. L’originalité réside dans la façon de mettre en scène ce postulat de départ. Jonathan Glazer fait le choix de nous proposer une aventure sensorielle et esthétique sur la séduction. Autant le dire tout de suite, il ne se passe pas grand chose dans ce film. Scarlett (ou plutôt l’alien qui a l’apparence de Scarlett) est envoyée en mission sur terre à bord d’un camion et va parcourir les terres brumeuses d’Irlande à la recherche d’hommes seuls. Pourtant le film captive. Le réalisateur a utilisé une caméra cachée dans plusieurs scènes pour voir la réaction des gens face à Scarlett Johansson. Et c’est là que le film captive, on est vraiment intrigué par la réaction que vont avoir tous ces hommes face au charme de la belle. Et on est encore plus intrigué de voir avec quelle facilité elle referme le piège sur eux. La frontière entre le réel et la fiction devient floue. Que voit-on à l’écran ? Est-ce la vraie Scarlett Johansson que l’on voit s’exprimer ou est-ce son personnage ? Est-ce que cet homme est un comédien ou non ? Qu’est-ce qui est réel et qu’est-ce qui est faux ? C’est assez fascinant de suivre ce rituel de séduction.
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Évidemment tout n’est pas en caméra cachée et les hommes qui vont êtres amenés à disparaître sont joués par des comédiens. Et encore une fois le film étonne car les scènes où le piège se referme sur les victimes auraient pu êtres gores. Mais le réalisateur choisit plutôt une mise en scène artistique. Ainsi plongé dans le noir le plus complet, l’homme qui vient de se faire séduire suit Scarlett en marchant sur une grande surface noire qui ressemble à un miroir. Pas question pour elle de le toucher, il lui suffit seulement de se déshabiller pour provoquer le désir (on peut le comprendre quand on la voit nue, car oui vous verrez bien madame Johansson en tenue d’Eve et ça vaut le coup d’œil). Et ainsi au fur et à mesure de l’effeuillage, l’homme s’enlise dans un liquide noir jusqu’à disparaître totalement. Tout cela sur un rythme lent qui met mal à l’aise. L’atmosphère est irréelle, la sensualité du corps tutoie l’étrangeté. Encore une fois c’est fascinant.
Pendant la première heure de film on se retrouve captivé sans pouvoir vraiment l’expliquer et c’est peut être en ça que l’on peut parler de voyage sensoriel. Le film réside vraiment dans son opacité. Et c’est dommage qu’il sombre dans sa seconde partie dans quelque chose de plus banal. L’extraterrestre à l’apparence humaine va commencer à se chercher, à comprendre son humanité, à chercher à avoir des émotions, à comprendre son corps. C’est à ce moment que le film s’enlise lui aussi et prend une toute nouvelle direction pour plonger dans un ennui mortel. La seconde partie de Under the Skin pose la question: va t-elle-pouvoir éprouver des émotions ? Avoir des rapports humains ? Pouvoir découvrir le sexe ? Le personnage passe de l’envie à la répulsion sans cesse sans réussir à captiver comme c’était le cas au début du long métrage. Cette deuxième heure casse vraiment le film qui aurait pu être très bon.
Au final on se retrouve devant une oeuvre intrigante, atypique et franchement chiante. Une sorte de masturbation cérébrale comme l’aiment les cahiers du cinéma. A voir pour cette première partie fascinante mais à fuir pour sa seconde partie ennuyante. Peut être que le film aurait dû être un moyen métrage plutôt qu’un long métrage.