Después de Lucia – Le test blu-ray

Il est des films qui vous mettent mal à l’aise. Dont on ressort outré, sale, lessivé. Des films qui vous montrent, quand bien même vous ne vous bercez pas franchement d’illusions sur la nature humaine, que parfois, on est vraiment une drôle de race. Después de Lucia fait parti de ceux-là.

Lucia est morte dans un accident de voiture. C’est ce que l’on comprend petit à petit, à travers quelques allusions disséminées dans le film. Roberto, son mari, et Alejandra, sa fille de 17 ans, décident de changer de vie, et partent s’installer à Mexico. Pour un nouveau départ. Sur place, dans son nouveau lycée, Alejandra fait la connaissance de ses nouveaux camarades. Lors d’une soirée, dans un moment d’absence, elle couche avec l’un d’eux et accepte de se laisser filmer. Le lendemain, la vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux. Commence alors le calvaire.

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Après Daniel y Ana, où Michel Franco filmait, à travers l’inceste contraint d’un frère et d’une soeur, la culpabilité des victimes, il remet le couvert avec Despues de Lucia. Causes différentes mais mêmes effets. Dans Daniel y Ana, un frère et une soeur, kidnappés, étaient soumis, sous la contrainte d’une arme, à l’obligation d’avoir des rapports sexuels filmés. Adapté d’un fait divers réel, Michel Franco en profitait pour mettre en scène la perte de valeurs et de repères d’une société de l’image, et le poids qui, frappant les victimes, finit par les conduire dans l’impasse du mensonge.

Pour son second film, il remet en scène des outils similaires comme l’image, la contrainte, la culpabilité ou le mensonge. Alejandra est jeune, jolie, intelligente. Elle semble nettement mieux vivre le décès de sa mère que son père. Elle a intériorisé cet évènement, l’a accepté et a décidé d’aller de l’avant. Pour son père, c’est différent. Il n’y arrive simplement pas. Et le changement de cadre de vie ne parvient pas à le sortir de sa déprime. Pour se changer les idées, pour démarrer sa nouvelle vie, Alejandra se rapproche d’un petit groupe d’amis, dans sa nouvelle classe. Elle sympathise rapidement avec eux. Puis commet l’erreur de se laisser aller.

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Ce qui frappe dans la mise en scène de Franco, c’est son aridité. Essentiellement composée de plans séquences fixes, ne proposant que de rares mouvements de caméra. Pas de fuites pour le spectateur, entièrement soumis au bon vouloir du réalisateur. Là où certains auraient volontairement opté pour le graveleux voire le putassier, Franco choisit lui le hors champs, la composition rigoureuse des cadres, mais sans pour autant nous épargner la violence frontale du harcèlement que va subir Alejandra. Il s’attache à filmer le calvaire que subit son personnage. Ce choix atteint son paroxysme dans une scène terrible, dans un hôtel, où le personnage principal, central, est absent de la pièce. Le spectateur n’ignore pas où Alejandra se trouve, et c’est cette absence du cadre qui habite, littéralement, toute la scène.

Plus que de culpabilité, c’est plutôt de fuite qu’il faudrait parler dans Despues de Lucia. Car tous les personnages, à un niveau ou à un autre, vont incarner ce sentiment, ce choix. D’Alejandra qui, au lieu d’en informer son père ou les autorités (l’école par exemple), va simplement tenter de gérer seule les épreuves qu’elle subit. Au point que cela en devient souvent ridicule. En tant que spectateur, c’est un calvaire d’assister, impuissant, et d’espérer qu’elle va finir par dénoncer ses tortionnaires. On comprend rapidement ses raisons, ça n’en reste pas moins douloureux.

Le père également fuit. Ses responsabilités de père pour commencer, à plusieurs niveaux. Vis à vis de sa fille, il ne répond présent en aucune façon. Incapable de gérer le décès de sa femme (l’introduction du film est très parlant), il en finit même par abandonner son poste (qu’on comprend confié par un ami). Cette incapacité nourrit en partie la décision de sa fille de ne pas se confier. D’une part, à cause de la déprime qu’il éprouve, Alejandra, dans un réflexe de compassion, semble décider à ne pas rajouter ce poids à ceux qu’il porte déjà. Dans une réaction malheureusement humaine, elle décide de faire le dos rond, partant visiblement du principe que ça finira par se passer, qu’ils finiront par se fatiguer. De la part d’Alejandra, ça peut également sembler être une sorte de punition. Peut-être parce qu’elle gère assez facilement finalement le décès de sa mère.

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Ils ne sont pas les seuls à fuire. Le jeune homme avec qui Alejandra à coucher et instigateur (à l’insu de son plein gré ou non, ça reste peu clair), ne prend jamais sa défense, sans participer pour autant, tout en y participant par son silence, comme une sorte d’assentiment contraint mais voulu. Son attitude restera complexe jusqu’au bout, on peine à déterminer sa position réelle. Est-il réellement touché par ce qu’elle traverse ? Veut-il l’aider ? Pourquoi ne le fait-il pas ? Autant de questions sans réponses. Les autres jeunes, les tortionnaires, fuient également, se jouant d’Alejandra, et visiblement très tôt dans le film. Si l’on devine aisément que l’une des filles (la fameuse « qui pourrait être une amie » / jalouse) est le point de départ des sévices, le reste du groupe lui emboîte le pas.

Ce qui reste frappant, c’est la façon dont chacun accepte son sort, sans jamais chercher à faire autre chose. Le père est impuissant, la fille impuissante, les tortionnaires sont inhumains, les autorités sont aveugles. La frustration ressentie par le spectateur est réelle. Celle de ne pas pouvoir agir. Le tout, et c’est peut-être le pire, saupoudré d’une petite pointe d’humour. Celui, noir, qui vire à l’absurde. L’absurdité de certaines positions, l’absurdité de certaines décisions. C’est bien l’impuissance, celle des personnages et celle des spectateurs qui prime.

Cette absurdité est particulièrement présente dans la dernière partie et, visiblement, très importante pour le réalisateur. Que ce soit dans le choix final d’Alejandra (littéralement la fuite, mais pas du tout comme on aurait pu l’imaginer) ou dans la façon dont le film se clotûre, sur un geste terrifiant et complètement futile. Dans ce petit théâtre des relations humaines (ou inhumaines, c’est selon), Michel Franco s’amuse visiblement à faire bouger tout son monde, dans le but assez clair de nous frapper, nous, spectateurs.

Pourtant, il se garde bien d’émettre le moindre jugement. Ni même, en un sens, de charger son pays en particulier. Certes, cela se passe au Mexique. Mais ça pourrait être partout. Certes, il filme des jeunes complètement déconnectés de la morale. Mais il n’accuse personne, ne fait pas, à travers ce film, passer un message qui consisterait à dire que les jeunes sont pourris et sans espoir.

En un sens, Franco se contente simplement de filmer un moment d’une vie. Ou comment une petite décision peut entraîner une cascade de conséquences déplaisantes jusqu’au drame. Certains lui ont reprochés ce manque de prise de position ou plutôt un positionnement trop peu clair, allant de pair avec l’extrême sécheresse de sa mise en scène. Il me semble pourtant qu’à travers la très bonne caractérisation des personnages, il affirme simplement ce choix de montrer la cruauté ordinaire. C’est au spectateur de prendre ses responsabilités. De façon finale, Franco va jusqu’au bout de la logique consistant à enfermer le spectateur, le mettre en position inconfortable. On ne nous demande pas de comprendre, mais de suivre et de subir.

Bref, Despues de Lucia est un film qui divisera. Un film dérangeant, frustrant même. Un film sec comme un coup de tric et du genre qui vous tournicote dans la tête après l’avoir fini. C’est en plus un exemple en terme de mise en scène raccord avec le sujet et un modèle en ce qui concerne la façon dont ce genre de sujet peut être relaté. Mais clairement pas un film à matter un soir de déprime.

video

On n’achète pas ce disque pour en prendre plein les mirettes. Pour autant, ça reste du bon boulot, mettant parfaitement en valeur l’aspect voulu, respectant donc au plus proche les choix du réalisateur.

On notera bien quelques pertes en matière de définition mais rien de méchant. Ca reste du solide en matière de réalisme.

audio

Même principe sur l’audio. Les enceintes arrières sont très peu solicitées, la spatialisation présente sur quelques scènes. Pour l’essentiel, le film est frontal, tout comme ses dialogues et ses silences. Cela reste clair et bien équilibré, la gestion du tout est efficace à défaut d’être particulièrement marquante. A noter une seule piste audio, en espagnol, DTS-HD Master Audio 5.1, avec sous-titres français. Les allergiques à la VO sont prévenus.

bonus

Aucun

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