QT, ce n’est un secret pour personne, est grand amateur de westerns transalpins (américain également, Rio Bravo est régulièrement cité parmi ses films cultes, mais les caractéristiques filmiques des pistoleros d’outre Atlantique seront moins palpables). L’amour de ce genre transpire dans la plupart de ses métrages, notamment dans un Kill Bill Vol.2 ou Inglorious Basterds, véritable western transposé sous la 2nd Guerre Mondiale.
Et c’est là que Django Unchained nous surprend car alors qu’on s’attendait à son film le plus Leonnien, on se retrouve avec un film à la croisé des chemins.
Véritable buddy movie, où les différences culturelles entre le Dr. King Schultz, dentiste chasseur de prime, et Django, jeune esclave afro américain, sont une source permanente de dialogues savoureux ou cocasses et de découvertes mutuelles, mais pas que.
Cette relation va prendre rapidement la tournure d’une quête initiatique pour Django, pour se découvrir complètement et passer du statut d’esclave à celui de terreur de l’Ouest, tout ça sous l’œil de son senseï germanique.
Le film verse aussi dans la romance tant l’amour (que ce soit de Django pour Broomhilda ou l’amour amical de Schultz envers Django) demeure un moteur important du film, sans oublier l’action pure et dure avec des scènes anthologiquement jouissives dont une certaine fusillade dans une certaine maison.
Mais que les amateurs de western se rassurent, il reste quand même le genre omniprésent du film et est magnifié sous la patte de Tarantino.
Empruntant aussi bien aux décors enneigés du Grand silence ou aux décors arides de Colorado, le film jongle habilement entre plusieurs styles ou même sous styles de western tout en gardant son identité propre.
Ici pas de duel avec les plans rapprochés sur les mains ou sur les yeux des tireurs, poncif absolu du spaghettis, mais des références bien plus subtiles s’insérant parfaitement dans le récit.
Citons pêle-mêle, le thème de la lette à Elise, repris de Colorado de Sergio Sollima ou encore le mini revolver de Waltz, réplique de celui de Lee Van Cleef dans Et pour quelques dollars de plus de Leone.
Bref, c’est mesuré, bien vu, pas indigeste pour un sou et personnellement c’est ce genre de petits trivias que j’adore dans un métrage.
Le film marque également une réelle évolution dans le style de Tarantino. Ici exit la narration éclatée ou en chapitre comme ses précédents métrages, place à quelque chose de plus linéaire, dans la norme. Cette structure simplifiée à l’avantage, au delà d’être plus accessible pour le grand publique, de fluidifier l’intrigue et de conserver un bon rythme tout du long.
On pourra cependant noter quelques petites baisses de rythmes néanmoins (la scène joué par Tarantino notamment, même si de mon point de vue elle était nécessaire pour montrer la mue ultime de Django, ayant assimilé toutes les astuces de son maitre), mais rien de bien méchant.
Mais ce qui fait la force du métrage, au delà de la patte Tarantino, c’est bien sur son casting et notamment son trio magique : Waltz, Foxx et DiCaprio.
Pour Waltz ce n’était pas une surprise, sorte de nouvelle muse austro-teutonne du fantasque réal américain, il avait forcément sa place ici. Si bien que son rôle a été écrit sur mesure pour lui (sorte de Hans Landa tombé du bon côté de la barrière), notamment à travers les origines germaniques, qui sont servies à merveille par l’élocution si particulière du bonhomme donnant un côté so european dans cet océan américain. Ce rôle de maitre Splinter version pistolero lui va comme un gant.
On arrive maintenant aux deux petits nouveaux.
Tout d’abord Jamie Foxx, et là je dois avouer qu’au départ j’étais pas franchement emballé. Plutôt cantonné à des rôles pas franchement profonds (Miami Vice pour ne citer que celui-là), on a quand même décelé une petite étincelle dans son interprétation du grand Ray Charles.
Etincelle qui se transforme ici en un beau brasier pour ce rôle de Django, tant l’acteur/chanteur a levé toutes mes inquiétudes. Pourtant le garçon a eu du mal à rentrer dans le rôle, voulant tout de suite jouer le héros au gros bras. Tarantinole remit ainsi plusieurs fois à sa place en lui disant que, pour véritablement jouer Django, il devait commencer non pas par jouer le héros, mais par jouer l’esclave, et c’est le cheminement de l’un vers l’autre qui fera de son interprétation quelque chose de brillant.
Et bien banco, même s’il garde un petit côté monolithique et poseur à certains moments, son interprétation et ses émotions sonnent vraiment juste, c’est la raison pour laquelle la route qu’arpente son personnage n’en ressort que plus crédible (que dire de son regard, avec cette paupière juste tremblotante, où il voit sa femme être sortie de « la boîte »).
Notons qu’il nous a en plus permis d’éviter ce tâchons de Will Smith qui avait peur de ne pas être la vraie tête d’affiche du film…
Enfin, le dernier larron de la bande des trois, la grosse tête d’affiche bien bankable qui rameute tout le monde, l’immense Leonardo DiCaprio.
On attendait tous de voir un jour le monstre sacré de cette génération (oui, oui je n’ai pas peur de la dire, DiCaprio n’a pas à rougir devant des Cary Grantou des Charlton Heston) incarner une immonde crevure et fort est de constater que ça lui va comme un gant.
Il incarne à merveille Calvin Candie, cette pourriture du sud qui, sous ses grands airs, cache un redoutable esclavagiste, aussi excentrique que cruel.
Ses changements soudains d’expressions ou d’intonations sont superbement servis par l’acteur, au sommet de son art. Sommet d’ailleurs atteint lors d’une scène totalement improvisée par l’acteur, qui s’entaillant la main et continue pourtant son rôle en jouant de cette main sanglante, délicieusement géniale.
A côté de cette trinité, car un bon film ne le serait pas sans, on trouve toute une kyrielle de rôles secondaires tous plus excellents les uns que les autres, que ce soit Kerry Washington qui joue une Broomhilda Van Shaft (parente du célèbre héro black du même nom) tout en sensibilité, le fidèle Samuel L. Jackson qui cabotine de façon jouissive avec Stephen, l’intendant de Candie, black pire qu’un négrier, sorte d’oncle Ben’s qui aurait forniqué avec un grand maître du KKK, le génial Walton Goggins en négrier jouant de la lame ou encore Don Johnson en sosie officiel du Colonel Sanders de KFC, c’est vraiment le haut du panier.
Notons enfin les petits caméos des proches de QT, Tom Savini (le boss du maquillage gore) en maître chien, Zoe Bell, la cascadeuse de Boulevard de la mort, ou encore la sympathique apparition de Franco Nero, l’interprète original du Django de Corbucci pour un petit face à face verbal avec Foxx, le successeur.
Il ne faut également pas oublier de dire un petit mot sur la musique tant celle-ci est souvent un personnage à part entière dans les films de Tarantino.
Par d’exception à la règle, la musique est ici aux petits oignons, empruntant (c’était à prévoir) aux western spaghettis (que ce soit le thème de Django, Un Monumento ou deux titres issues de la BO de Sierra torride dont le superbe Sister Sara’s thème) mais aussi à d’autres types de film notamment l’immense thème de Jerry Goldsmith issu de Nicaragua pour l’arrivée à Candyland.
Mais il y a aussi des titres plus modernes, notamment du rap signé Rick Ross et John Legend, certains les ont trouvé déplacé dans le métrage, personnellement je trouve ça tout à fait légitime quand on sait que le mot rap provient de l’anglais « to rap », verbe qui signifie « bavarder sur un fond rythmique » dans l’argot noir américain, argot descendant directement des esclaves des plantations de cotons, sujet principal du film, c’est donc un trait d’union parfait entre passé et présent.
Au final, que dire sur ce film si ce n’est qu’on est au firmament du style Tarantiniesque, apogée qu’il a atteint paradoxalement en simplifiant son style, une narration moins éclatée, plus fluide et donc plus accessible.
A la fois buddy movie, southern, intelligent, violent, exubérant, jouissif, ni manichéen ni donneur de leçon, c’est un vrai bonheur de cinéphile, du genre qui te donne une banane pas possible en le regardant en te disant, bordel c’est ça du cinéma.
Les aficionados du bonhomme en auront pour leur argent tant le métrage fait partie des grands films de cette année (avec un certain Stoker de Park Chan-wook). Tous les éléments d’un très bon Tarantino sont dans la marmite, mais que ses réfractaires de toujours ne le jettent pas trop vite au bucher, l’évolution du style Tarantino est palpable, et peut-être que cette chevauchée sanglante vous fera changer de crèmerie.
Rien à dire, c’est superbissime comme généralement toutes les sorties de films récents.
Il en met plein la rétine que ça en devient indécent, que ce soit au niveau des costumes, des visages avec un degré de détails fortement élevé ou les nombreux et magnifiques effets de lumière du film, c’est du tout bon.
Là encore du lourd…concernant la VO, parce que bon la VF hein..
Il serait quand même fâcheux de regarder et écouter un film dont la langue est un élément narratif à part entière.
Entre les diverses langues (rappelons que Schultz est allemand et accommode donc l’anglais un peu à sa sauce), accents (et ses blagues sur l’accent de Booooston) et les références culturelles à d’autres nations (Monsieur Candie dans le texte), cela fait quand même pas mal de ressorts scénaristiques.
Et en VF ces ressorts, hum comment dire, ils sont justes remplacés, changeant donc le script original (les hommes civilisés ne parlent donc plus français mais espagnol) et voir ce bon Leo faire une blague sur l’accent de Boston en français, forcément ça tombe à plat.
Ajoutez à ça que les doubleurs ne sont pas ou plus les habituels (celui de Leo à changé récemment, pour Waltz qui se doublait notamment lui-même dans Inglorious Basterds, ce n’est plus le cas ici, quand à Jackson, son très bon doubleur attitré n’est pas de la partie non plus), la VF ici c’est donc NIET !
Le gros point négatif, et malheureusement récurrent sur les films de QT, c’est rachitique, ça doit durer en tout et pour tout 35 min grand maximum, ce n’est ni vraiment passionnant ni instructif (mis à part peut-être le module sur les costumes).
C’est vraiment dommage tant il y aurait à raconter sur les casting, les scènes coupées ou encore le tournage, souvent rock and roll.
Bref, la prochaine fois ne mettez rien ça vous fera économiser des sous sous.
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