Les Cinq Légendes – Le test blu-ray

Connus pour fabriquer du dessin animé au kilomètre en multipliant les suites, DreamWorks n’a pas exactement le même pouvoir de fascination que les studios Pixar, ni leur qualité artistique.

avis

J’ai systématiquement défendu le studio à la petite lampe qui sautille parce qu’ils ont toujours su allier aspect artistique et commercial sans jamais vendre leurs fesses pour parvenir à un succès planétaire largement mérité. C’est la première fois dans l’histoire de l’animation américaine qu’un studio osait se permettre ce qu’un Hayao Miyazaki ou un Isao Takahata faisaient tout naturellement depuis des années à travers leur œuvre respective. Aujourd’hui, Pixar se retrouve sur une pente glissante optant pour une dynamique proche de son principal concurrent DreamWorks, c’est-à-dire, donner des suites à tous ses plus beaux films d’animation. Lorsqu’ils décident de présenter une œuvre originale, ils le font avec Rebelle, un long-métrage que l’on croit immédiatement issu de la fainéantise d’un studio Disney, certes au prestige international inégalé mais également à court d’idées depuis la fin des années 90.

Mais alors vers qui se tourner pour espérer avoir un spectacle de qualité qui contenterait non seulement les enfants mais également les adultes ? Il se pourrait que la réponse soit…DreamWorks.

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Toutefois il semble difficile de s’imaginer que Jeffrey Katzenbeng (le « K » de DreamWorks SKG), l’ex-président de Walt Disney Animation à l’origine d’un succès colossal comme Le Roi Lion, soit soudainement devenu le sauveur de DreamWorks Animation, studio réputé pour ne délivrer que des films avec un ogre vert péteur, des animaux de zoo hystériques ou un Panda expert en arts martiaux sympathique au demeurant mais honteusement pompé sur la saga Warcraft et les films de Jackie Chan. Evidemment je fais allusion au manque d’ambition artistique des studios, non pas des excellents chiffres des longs-métrage. Economiquement il n’y a rien à sauver, ça rapporte.

Mais manifestement quelque chose a changé au sein de DreamWorks Animation. Ce changement a été opéré en 2010 avec Megamind et Dragons. Le premier métrage voit l’arrivée de notre Mexicain préféré, Guillermo Del Toro au poste de consultant exécutif et producteur alors que le second se paye carrément la participation de l’immense directeur photo des frères Coen et de Sam Mendes, Roger Deakins, devenu consultant visuel pour l’occasion. Ce n’est pas une première pour Deakins qui fut consultant visuel sur Wall-E des studios Pixar. Del Toro va se retrouver sur l’inodore Kung-Fu Panda 2 et Le Chat Potté (spin-off de Shrek) tandis que Deakins bosse de son côté sur How To Train Your Dragon.

Aujourd’hui ces deux là sont réunis sur Rise of the Guardians et le dernier né des studios DreamWorks s’avère comme par hasard (ou pas) étonnant à plus d’un titre. Bien entendu on ne peut décemment pas imputer cette réussite qu’à ces deux artistes, leur participation n’étant pas l’unique raison qui fait de ces Cinq Légendes une belle réussite. Il va falloir aussi complimenter les autres artistes impliqués sur ce projet. Pour poursuivre dans la catégorie « artistes 5 étoiles », Rise of the Guardians a la chance d’avoir comme scénariste un certain David Lindsay-Abaire, lauréat du prix Pulitzer pour sa pièce Rabbit Hole, adaptée au cinéma par John Cameron Mitchell. Il est également crédité au générique du Monde Fantastique d’Oz de Sam Raimi.

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Pitch Black, plus connu dans nos contrées sous le nom de croquemitaine, décide d’envahir le monde en s’immisçant sournoisement dans l’esprit des enfants. Pour que son règne de la peur puisse débuter, il lui faut obliger ces derniers à perdre leur foi dans à peu près tout ce qui caractérise l’enfance et notamment dans les histoires qu’on leur raconte lorsqu’ils sont petits. Les principales victimes à abattre froidement sont le père Noel, le lapin de Pâques, la Fée des dents (la petite souris chez nous) et le marchand de sable. Le père Noël ne l’entend pas ainsi et réunit ses camarades afin de contre-attaquer. Avant de déclencher le désordre et le chaos, leur guide, l’Homme de la Lune leur impose une nouvelle recrue, un nouveau gardien, le turbulent et égoïste Jack Frost, l’esprit de l’hiver. L’adolescent se fait enlever par les Yétis, assistant du père Noel, pour rejoindre le Pôle Nord au plus vite. Une fois sur place, Jack Frost refuse catégoriquement de rejoindre l’équipe des gardiens pour des raisons très personnelles.

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Les Cinq Légendes est tiré de livres pour enfants écrit par William Joyce qui n’est pas un nouveau venu. En effet, Joyce (écrivain, illustrateur, producteur et réalisateur) est responsable entre autre de A Day with Wilbur Robinson qui donnera le sympathique Bienvenue chez les Robinsons des studios Disney, de la série animée Rolie Polie Olie (toujours pour Disney) et bien entendu de The Guardians of Childhood, la série de livres qui engendrera une espèce d’adaptation qui ressemblerait davantage à un mélange de tous les volumes qu’il a rédigé plutôt que d’une transposition ultra-fidèle. Pour ce long-métrage, le scénariste David Lindsay-Abaire inclura également des influences du court-métrage réalisé par Joyce et intitulé Man In The Moon.

Joyce avouera être plutôt satisfait ne pas voir ses livres adaptés de façon chronologique ou linéaire. L’idée de faire fusionner tous les volumes en une seule histoire a ceci d’intéressante qu’elle permet une certaine liberté dans la narration. Du coup, il devient plus facile de réunir et transformer les personnages les plus connus de notre enfance en héros dotés de super pouvoirs. Parce que David Lindsay-Abaire surfe sur la tendance du moment, les super-héros. A priori cette décision pourrait paraitre facile et dénuée d’originalité mais à l’arrivée, on est assez surpris du résultat et notamment du fait que ça se tienne à merveille. Parce que comment renouveler les visuels de personnages que l’on connait tous par cœur à l’exception de Jack Frost et de la Fée des dents totalement inconnus dans nos contrées ?

Peter Ramsey n’est pas un débutant dans le cinéma même si Les Cinq Légendes est son premier essai en tant que réalisateur. Ramsey fut storyboarder sur des longs-métrages prestigieux tels que Minority Report, A.I., Fight Club ou encore Dracula de Coppola. Il a également occupé le poste de réalisateur de seconde équipe chez John Singleton sur Poetic Justice et Fièvre à Columbus University mais également chez Rachel Talalay pour Tank Girl. Avec l’aide de son scénariste, Ramsey prend donc le parti de transformer des icones telles que le Père Noel ou le Lapin de Pâques. Le gros joufflu tout rouge ne perd pas sa couleur mais devient un cosaque à l’accent très prononcé et le Lapin se transforme en Crocodile Dundee avec une fois encore, un accent Australien largement identifiable. Pour la Fée des dents, le changement est moins révolutionnaire mais la vraie trouvaille, du moins celle qui permettra le plus de fantaisie et de poésie, c’est la représentation du Marchand de Sable, alias Sandy pour les intimes.

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Le casting vocal, lui aussi « cinq étoiles » comme d’habitude chez Dreamworks, fait cette fois-ci des étincelles. Alec Baldwin est particulièrement convaincant dans le rôle de North (le père Noel). La bonhomie et la jovialité attendue chez ce personnage sont bien présentes mais il ajoute un soupçon de guerrier assez amusant et décalé. En même temps, tout le monde pensait que le gars était Lapon plutôt que Russe mais bon si les Américains étaient forts en géographie, ça se saurait. Chris Pine (Star Trek), malgré sa voix grave parvient à insuffler la hardiesse et l’espièglerie nécessaire à l’ado de 14 ans qu’est Jack Frost. Hugh Jackman (Wolverine) est Crocodile…pardon, Le Lapin de Pâques. Les créateurs en ont fait un lapin géant australien un peu soupe au lait qui joue du boomerang (évidemment l’accent australien dégage direct en V.F.). Quant à la Fée des dents, joliment doublée par Madame Sacha Baron Cohen, Isla Fischer, saura apporter la touche « fifille »nécessaire pour que le métrage ne s’adresse pas qu’aux petits « Jack Frost en herbe ». Il faut un méchant dans les combats du bien contre le mal et ce dernier est incarné par un Jude Law en pleine forme qui évite soigneusement tout cabotinage afin de le rendre un minimum crédible et flippant.

Là-dessus on va rajouter une lumière absolument fabuleuse qui sait rendre le film magique mais aussi inquiétant. Les passages dans l’antre de Pitch sont monochromes, à la limite du noir et blanc et pourront parfois évoquer le style expressionniste allemand. L’environnement de Pitch Black évoquant la désolation et le désespoir n’a rien à envier au Tim Burton des débuts. A l’opposé, les autres mondes sont plus bigarrés sans jamais donner la nausée. Celui du Lapin est dans un registre beaucoup plus coloré mais jamais bariolé à outrance et il en va de même pour la ville de la Fée des Dents et de ses aides aux allures d’oiseaux-mouches.

Le glaçage venant parfaire ce très beau gâteau jamais écœurant, c’est la partition composée par Alexandre Desplat qui fait des merveilles et rend le film encore plus magique. Il avoue s’être inspiré des plus belles partitions de John Williams et ça s’entend. Il a composé des thèmes pour chacun des personnages du film (6 au total) accentuant ainsi leur personnalité en les rendant musicalement identifiables. La musique que Desplat a imaginée n’est jamais grandiloquente ou surfaite, au contraire elle tire constamment le métrage vers le haut, lui conférant parfois une dimension tantôt lyrique tantôt sombre. Grâce à ce musicien que l’on ne présente plus (c’est le compositeur attitré de Florent Emilio Siri), Les Cinq Légendes acquiert à la fois élégance et beauté.

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On pourra argumenter sur certaines facilités au niveau de la narration (la toute mignonne petite Sophie fait tout de même énormément penser à Boo dans Monsters, Inc.) ou de quelques clichés dissimulés ici et là mais décider de s’en prendre au film sur la seule notion du bien contre le mal une énième fois de plus représentée à travers ce long-métrage d’animation, n’est à mon humble avis, pas la bonne voie à emprunter. De même qu’affirmer que Les Cinq Légendes ne parle que de Foi avec un grand « F ». Déjà, pour commencer, La Lune ou le culte lunaire c’est pas très « catho » à la base mais plutôt un brin païen. Au lieu de parler de religion, le réalisateur décide de prendre un chemin un peu plus mystique. L’Homme de la Lune est sur ce même chemin ainsi que l’antre du Lapin de Pâques pouvant faire penser à certains délires de Miyazaki (les petits œufs de Pâques avec des pieds, la végétation, le côté écolo).

Autrement dit l’interprétation religieuse autour de la foi, la croyance, concepts évoqués dans le film ne semble pas être ce qu’il y a de plus important à retenir dans Les Cinq Légendes. Je pencherai plutôt pour l’émerveillement et le fait que celui-ci à une fâcheuse tendance à disparaître en cette période où plus rien n’a l’air d’étonner personne. Entre la télé et internet, on pense être blasé tout en se persuadant d’avoir tout vu, lu et entendu. Or, nous sommes loin du compte surtout si l’on doit se référer à ce que proposent certains Blockbusters conçus en direction des enfants. Il n’y a plus énormément d’histoires permettant de déployer sa propre imagination puisque tout y est simplifié et lissé à l’extrême. En gros, c’est souvent prémâché, prédigéré et accessoirement prévomi. Nous ne ferons donc surement pas la fine bouche lorsque quelqu’un décide subitement de nous faire l’immense plaisir de nous raconter une histoire sans se planquer derrière la technologie ou une distribution de Stars. C’est principalement ce que Pixar s’est évertué à faire avec tout le talent qu’on leur connait pendant des années. DreamWorks semble avoir tenté le même pari sur ce film. Comme par hasard Les Cinq Légendes est un des long-métrages des studios qui à le moins rapporté d’argent (un tout petit peu plus de 300 million de dollars en recettes mondiales), à croire que le public ne suit plus dès lors qu’on leur suggère quelque chose qui sort (très légèrement) de l’ordinaire ou qui exclurait le cynisme à tout prix. Les Cinq Légendes ne fait pas du bruit pour faire du bruit mais joue sur les émotions souvent d’une manière poétique ce qui n’est pas d’habitude le fond de commerce de DreamWorks. L’humour est au rendez-vous mais n’obscurcit jamais les véritables enjeux de l’histoire ce qui est un exploit en soi pour eux, les studios étant toujours plus ou moins tentés d’en faire des caisses en affirmant que leur « esprit » est iconoclaste alors qu’il est, la plupart du temps, d’une lourdeur sans égale. On appréciera d’autant plus le très mignon clin d’oeil des auteurs à notre petit souris nationale. Pas chauvins les américains sur ce coup là.

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Disney rame, Pixar s’enlise peu à peu et Dreamworks se réveille enfin. C’est le monde à l’envers mais ce n’est pas grave, le principal c’est que la qualité soit au rendez-vous et elle l’est. Ce qui nous fait donc : DreamWorks 1, Pixar 0. Mais ne nous emballons pas car si l’on prend en compte le palmarès de Pixar, ça devient plutôt : Pixar 12 et DreamWorks 1. Espérons malgré ce succès en demi-teinte des studios, que la tendance ne va pas s’inverser pour revenir à des métrages bas de plafond produits à la chaine. Leur prochain long qui vient à peine de sortir sur nos écrans, s’intitule The Croods et l’on retrouve à la réalisation Chris Sanders (Lilo & Stitch, Dragons) accompagné de Kirk DeMicco. Voyons si le virage opéré par Dreamworks se confirme bien.

video

Ca va être difficile de critiquer quoique ce soit en ce qui concerne ce transfert. Tout est absolument magnifique. Des détails, au textures en passant par le niveau de noir, tout est parfait. C’est sans doute les détails qui se révèlent le plus impressionnant. Vous pourrez quasiment compter les grains de sable de notre ami le marchand de sable tellement c’est précis et il en va de même pour les flocons de neige déclenchés par l’intervention de Jack Frost. La profondeur de champ sait elle aussi se montrer plus que convaincante tandis que les scènes se déroulant dans la pénombre sont d’une définition impressionnante. Tout est d’une fluidité remarquable, on n’en perd pas une seule miette et je ne vous parle même pas de la magnifique lumière du film. Un régal ! Assurément un des blu-ray de l’année.

audio

C’est un film DreamWorks distribué par Paramount donc les habitués savent qu’ils n’auront pas la possibilité d’écouter le doublage du film en HD.

Passons directement à la piste remplissant le mieux son cahier des charges, c’est-à-dire la version originale sous-titrée proposée en Dolby TrueHD 7.1. C’est une énorme tuerie, déversant des détails sonores de folie sur toutes les enceintes de votre installation. Ce n’est pas compliqué, le mixage est tellement riche en détails, tellement subtil que c’est un plaisir d’être équipé en HD. Mention spéciale à la voix de Pitch Black qui ne cesse de se balader autour de nous à 360 degrés. Les envolées de la musique d’Alexandre Desplat nous immerge un peu plus dans l’histoire. On ne sent absolument rien de forcé sur cette piste. Ce n’est jamais dans l’exagération pourtant c’est une véritable déferlante sonore qui s’abattra sur votre installation et accessoirement chez vos voisins si vous poussez le son.

Que dire alors de la piste française uniquement disponible en simple Dolby Digital 5.1 ? Pas grand-chose si ce n’est qu’elle est efficace mais tellement en-dessous de ce que propose la V.O..

La note maximale vaut bien entendu pour la piste en version originale.

bonus

Ca ne se bat pas spécialement au portillon niveau suppléments mais il y deux ou trois choses à se mettre sous la dent si vous souhaitez en savoir un peu plus sur la fabrication du film. Tous les bonus sont présentés en HD et sous-titrés en français sans exception.

* Commentaire Audio en compagnie du réalisateur Peter Ramsey et des producteurs Christina Steinberg et Nancy Bernstein

* Derrière la magie – Making-of divisé en quatre petits modules :

Imaginer l’univers (8mins06)
Méchants et Gentils : créer des personnages mémorables (8mins39)
Effets enchanteurs (5mins31)
Créer une bande originale épique (5mins25)

* L’homme derrière les Gardiens (6mins25) – un petit moment en compagnie de l’auteur et accessoirement producteur exécutif du film, William Joyce.

* Rêveurs et croyants : le casting voix (10mins47)

* Le monde de DreamWorks Animation

* 2 jeux interactifs :

Bataille de boules de neige avec Jack Frost
Pierre, papier, ciseaux avec Sab, le Marchand de Sable

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